Compagnie Sucrière Sénégalaise : « Des Hommes, du Sucre aux Portes du Désert »
- Comment est née la CSS, pourquoi avoir choisi de la créer au Sénégal ? (Il s’agit de raconter l’histoire de la CSS, son attachement avec le Sénégal, des anecdotes à raconter, etc. mais aussi de connaitre les difficultés rencontrées à ses débuts).
Personne, mieux que Hubert CHOUVENC, auteur du récit « Des Hommes, du Sucre aux Portes du Désert » ne pouvait mieux décrire l’histoire croisée de Richard Toll et de la CSS. Nous lui emprunterons quelques passages de son récit ;
« Il était une fois, dans le nord d’un pays appelé Sénégal, un fleuve qui coulait avec paresse au milieu de la brousse, ou du désert devrait-on dire…Au hasard de ses méandres posés par malice, quelques villages s’assoupissaient sous le soleil. C’était de petits villages de pécheurs et de paysans qui s’entêtaient à survivre au gré des caprices du fleuve et de ses crues. Quelques tribus de bergers nomadisaient le long des berges pour venir y puiser l’eau si précieuse. Parmi ces hameaux, il y avait un village un peu plus gros, un bourg pas encore une ville, au sud duquel une grande plaine s’étirait jusqu’aux confins d’un lac perdu dans les roseaux et les papyrus. Les conditions y semblaient bien meilleures, bien entendu, l’eau ne manquait pas, le fleuve au nord et le lac au sud mais par un autre caprice de Dame Nature, le sol demeurait très ingrat.
Un jour, quelque chose se produisit qui allait changer irrémédiablement le visage même du village, un petit fait dû au hasard : un homme déterminé traversa Richard Toll et visita la plaine. Monsieur Jacques MIMRAN, c’est son nom. Monsieur Jacques arriva au milieu de cette terre de nulle part, dans les années mille neuf cent soixante-dix du temps des hommes, et peut être savait-il déjà qu’il n’en repartirait plus. Il fallait une belle imagination, ou être visionnaire, pour changer le cours des choses en cultivant le désert…C’était pourtant précisément son projet : faire du sucre sur une terre de sel.
Quelques temps plus tard, il s’installa au village. Il prit des mesures et de relevés, fit de savants calculs que personne ne pouvait encore comprendre. Des machines vinrent un jour, dans de gros nuages de poussière et de pétarades sonores, troubler le silence de la brousse oubliée. Il y’avait là tout un convoi : des camions, des tracteurs, des bulldozers, des grues et toutes sortes d’autres engins accompagnés d’une petite armée de chauffeurs et de mécaniciens.
De partout les travailleurs affluaient mais ils n’étaient pas encore nombreux et, tous les matins, des camions partaient dans la brousse et les hameaux alentours pour recruter des villageois désireux de gagner quelque argent. L’usine avait enfin démarré et les hangars commençaient à engranger le sucre produit entièrement au village. Ce fut une période propice pour les habitants de la localité qui virent leurs générations se multiplier. Les employés étaient choyés avant de céder sous les machettes d’une armée de coupeurs qui envahissent les champs tous les matins pendant la période de récolte. Aujourd’hui, Richard Toll est devenue une ville très connue dans tout le pays. »
L’implantation d’une telle unité agro-industrielle dans ces conditions n’a pu se faire sans quelques difficultés. Ces difficultés étaient d’abord logistiques et surtout infrastructurels car il a fallu tout inventer, tout installer, des campements d’habitation… à l’aménagement des terres !
- L’économie locale de Richard Toll, ville relativement prospère, repose principalement sur l’industrie de la canne à sucre grâce à la CSS. Qu’est-ce qui fait votre force sur le plan technique, management, produits, social et positionnement sur le marché.
Acteur essentiel de l’économie locale, la Compagnie Sucrière Sénégalaise apparait comme une bouffée d’oxygène pour Richard Toll et représente le principal bailleur du budget de la commune. Les dizaines de milliers de paysans et éleveurs qui bénéficient en permanence de ses actions peuvent en témoigner.
La CSS cultive certes de la canne à sucre mais elle participe activement à la production de riz par l’appui qu’elle apporte à des milliers de riziculteurs en prenant intégralement en charge leur facture de l’eau d’irrigation sur plus de 5000 ha emblavés en double saison.
Les conditions d’installation de l’entreprise ont anticipé le développement des villages environnants et vite le problème de l’accès à l’eau s’est posé. La CSS, depuis 50 ans approvisionne en eau potable les villages environnants, après avoir aménagé des forages et bassins pour le cheptel.
L’arrivée de la Fondation Marie Louise MIMRAN a renforcé ces actions, notamment aux plans de l’Education et de la Santé.
La force de la CSS, elle la tire de cette prise en charge précoce du facteur humain dans son environnement.
Etant le premier employeur privé du pays, la CSS a recherché l’excellence à travers le développement du capital humain et l’investissement sur l’innovation technologique.
Dans tous les secteurs de production, l’actionnaire n’a pas lésiné sur les moyens pour procurer les équipements et matériels issus des dernières innovations, ce qui lui vaut d’être parmi les premiers au monde en rendement à l’hectare de canne à sucre.
Au plan Managérial, les programmes d’autosuffisance du Sénégal en sucre, KT 150 et KT 200 ont été le prétexte à de profondes mutations des Ressources humaines. Les recrutements ciblés de jeunes talents formés et travaillant en Europe, désireux de rentrer au bercail ainsi que des plans de formation soutenus, ont permis d’augmenter les rendements industriels pour placer la CSS parmi les industries sucrières les plus performantes d’Afrique.
Cette démarche initiée depuis 2007 par M. André FROISSARD se décline en plusieurs objectifs :
- Permettre à chaque structure de l’organisation de disposer en permanence des compétences nécessaires à son fonctionnement tout en mettant à disposition les conditions de travail nécessaires à leur performance optimale ;
- Assurer la performance de la CSS par un meilleur transfert générationnel de compétences et la définition d’un plan de préparation de la relève.
- Développer la Culture d’entreprise en interne comme avec l’’Environnement ;
- Promouvoir la culture RH de proximité pour s’occuper des salariés de façon plus personnalisée notamment dans l’accompagnement à la transformation et à l’acquisition de nouvelles compétences ;
- Etre une entreprise attractive, capable de retenir ses ressources humaines de qualité et fortement sensibilisée au respect de la justice sociale et de l’équité.
- Promouvoir l’existence d’un label de dialogue social avec les partenaires sociaux.
Les résultats engrangés ces dernières années indiquent à suffisance la pertinence de tels choix stratégiques. Sur les produits sucre et alcool, de bons résultats ont été engrangés.
La production de sucre blanc est de l’ordre de 140 000 tonnes entièrement destinées au marché local alors que celle de l’alcool, produit hautement stratégique pendant cette période de pandémie a culminé à plus de 12 millions de litres.
En stratégies futures, la CSS compte mettre sur le marché le sucre roux, avec une vision de développement en marketing B to B et B to C. C’est un produit de plus en plus demandé.
- La CSS, ce sont ses terres à Richard Toll et ses paysans. Comment vos cultivateurs se sentent-ils impliqués dans votre compagnie ? connaissent-ils l’impact réel d’une telle usine et de ses activités sur le quotidien des sénégalais :
Tout au long des infrastructures de la Compagnie Sucrière Sénégalaise naissent des exploitations horticoles et fruitières bénéficiant de l’apport gratuit en eau toute l’année. C’est également, comme signalé plus haut, 5 000 ha de riz cultivés sur les périmètres de Colonat, Thiagar, Lougue Deymis, Pakh…Il s’y ajoute la maintenance gratuite des équipements et autres installations collectives comme les canaux et drains. Toute cette interaction est sous-tendue par une confiance et une solidarité cimentées par 50 ans de cohabitation intelligeante.
- Comment se porte votre secteur avec cette pandémie qui n’a pas épargné le Sénégal ? avez-vous réfléchi sur une offre locale adaptée aux bourses des sénégalais pendant cette période ?
Le secteur de l’agro-industrie a été le moins impacté par la pandémie. Certes, les mesures générales de prévention dictées par l’Etat ont entrainé des coûts supplémentaires, notamment sur les postes de charge comme les salaires et le transport des personnels mais globalement le secteur a bien tenu et aucun licenciement pour motif économique n’a été enregistré.
Si le secteur a pu bien résister à l’exemple de la CSS, c’est parce que des mesures draconiennes qui aurait valu la fermeture totale ou partielle de l’entreprise.de prévention de la Covid-19 ont été prises et mises en œuvre pour éviter toute apparition de foyer de contamination qui aurait entrainé ipso facto la fermeture totale ou partielle de l’entreprise.
- La crise sanitaire a fait prendre conscience à beaucoup de pays qu’il fallait miser sur le « produisons local, consommons local ». Pensez-vous que la relance des activités économiques devrait nécessairement passer par la production locale en boostant l’industrie locale avant de favoriser l’importation ?
Si on en juge par le contenu du Plan de résilience post COVID-19 concocté par l’Etat, nous pensons que les Pouvoirs publics ont pris conscience des limites d’une économie extravertie, qui importe ses produits essentiels dont la nourriture et les médicaments stratégiques.
Il est démontré depuis longtemps qu’au Sénégal, le développement, en l’absence de ressources naturelles, passera inéluctablement par l’agriculture et la transformation des productions agricoles.
La Compagnie Sucrière vient de franchir une étape importante dans le processus de réalisation de l’autosuffisance du Sénégal en sucre. En effet, elle vient de réaliser lors de la campagne qui vient d’être bouclée, une production de 141 mille tonnes de sucre.
Parvenir à l’autosuffisance c’est également lever toutes les contraintes qui bloquent le développement de la production locale.
Tant qu’il sera permis, à des commerçants de concurrencer les efforts de production locale, par la distribution tout azimut d’autorisation d’importation, l’autosuffisance restera un vain slogan !
L’autre grosse contrainte sur la voie de l’autosuffisance alimentaire demeure la question lancinante de l’accès aux terres. La politisation soutenue de la question foncière éloigne de plus en plus les investisseurs au profit de nouvelles générations de spéculateurs immobiliers qui transforment progressivement les terres arables en projets immobiliers !
La CSS recherche depuis plus de huit ans 3500 ha pour parachever l’autosuffisance du Sénégal en sucre !
6. La vallée regroupe les agriculteurs et les pécheurs. A cause de la rareté du poisson, les pécheurs se reconvertissent dans l’agriculture. Pourtant, l’aquaculture pourrait être une alternative pour l’autosuffisance en poison. Seriez- vous ouvert à un véritable partenariat avec l’Agence Nationale de l’aquaculture (ANA) pour répondre aux besoins alimentaires de la population ?
Effectivement, des années de pèches sauvages dans nos plans et cours d’eau ont amené à une raréfaction des prises. Beaucoup de pécheurs se trouvent démunis face à cette situation et pensent de plus en plus à abandonner ce métier. L’aquaculture pourrait être une solution viable dans cette zone. L’agence Nationale de l’Aquaculture travaille avec la CSS depuis des années pour créer un potentiel avec en ligne de mire aussi la lutte biologique contre l’enherbement des berges des plans d’eau avec des espèces herbivores de poissons. Des résultats probants ont été obtenus. La CSS a aidé quelques retraités à aménager des bassins de pisciculture. Récemment, nous avons reçu la visite de la DG de l’ANA pour trouver les axes d’un renforcement de ce partenariat et inciter le maximum de personnes à s’investir dans cette activité très rentable et porteuse.
7. Quels sont vos objectifs et vos projets à court et à long terme ? sur le plan national et sous régional ?
Nos objectifs à court terme sont précis : Il s’agit d’assurer l’autosuffisance en sucre du Sénégal dans le cadre d’une production respectueuse de l’environnement. Cela pourrait permettre de booster la création d’emplois dans la région et lutter contre le sous-emploi massif des jeunes, même si la CSS a fait des efforts de recrutements immenses ces dernières années. Pour cela, il nous faudra rapidement disposer de nouvelles terres (environ 3500 ha) pour cultiver la canne.
L’offre de sucre étant déficitaire dans la CEDEAO, le Sénégal dispose d’un potentiel exceptionnel pour être le principal exportateur de sucre de la sous- région. Une volonté politique clairement affirmée aurait permis à la CSS ou à d’autres nationaux d’envisager la création d’une seconde compagnie sucrière en s’appuyant sur le savoir- faire et l’expérience acquise par nos équipes.